Lettres d'antan : " Chers Parents"

Publié le par ZigZag

Chers parents,

 

Mon enfance a été heureuse. Vous étiez adorables.

 

Un jour vous m’avez inscrite au conservatoire de Lyon et pendant 3 ans mon bonheur fut total. Je me pris de passion pour le chant lyrique. C’était ma vocation. Je voulais devenir cantatrice.

Mon professeur, Monsieur Rambaud, ténor à l’opéra de Lyon, m’encourageait dans cette voie.

 

Je vivais près de vous et je vous chérissais, vous aidant à la boutique de fruits et légumes que vous teniez.

 En 1941, c’est un client qui changea mon destin. Je lui plaisais, il demanda ma main. Vous avez accepté sans hésitation : il était fourreur, c’était un bon parti.

Maman, quand tu expliquas à Monsieur Rambaud que j’abandonnais le chant pour me marier, il essaya en vain de te convaincre que je devais continuer. Pour toi, ce mariage était plus important qu’une carrière artistique. Vaincu, Monsieur Rambaud  eut  alors ces mots : « c’est bien les mères ça !».

 

 Eh oui, j’avais 17 ans. On ne s’opposait pas à l’époque !

 

Ce mariage fut un échec. Mon mari ne supporta jamais de m’entendre chanter. Quand des cousins me disaient « allez Jeannette, chante nous quelque chose », je m’exécutais, mais après leur départ, c’était terrible. J’avais droit à une scène de ménage mémorable.

 

En 1954, je suis retournée vivre chez vous. L’heure du divorce avait sonné.

Vous m’avez recueillie avec mes deux enfants que vous avez choyés. Ils ont d’ailleurs toujours été très attachés à vous.

 Heureusement, car leur père, qui avait droit à 2 visites par mois ne venait pas les chercher. Les enfants ne l’intéressaient pas.

Il a fallu que je travaille pour les élever, et là encore, vous avez été là. Vous m’avez acheté une voiture et j’ai débuté ma carrière de représentante chez Singer.

J’ai donc définitivement abandonné mes rêves d’artiste…Et même si aujourd’hui j’en ai encore le regret, je voulais vous dire, chers parents, que je ne vous en ai jamais voulu. Je sais qu’en me mariant à ce fourreur, vous avez fait ce que vous estimiez le mieux pour mon bonheur et mon avenir.

Comme on dit, « c’est la vie ».

 

                                                        Jeannette

                                                        (Jeanine Barricand)

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